"Les disciples d'Emmaüs"

Publié le par Père Maurice Fourmond

Messe avec Jean-Marie Lagrange

Évangile d’Emmaüs Luc 24, 13-16. 28-35

Homélie

 

    Vous avez choisi pour vous aider en ce moment douloureux, l’évangile des disciples d’Emmaüs. Le premier message que nous livre ce récit est sans doute que notre vie comme pour les deux disciples de l’évangile, est un chemin, un chemin marqué par des absences douloureuses, par des rencontres inattendues, par des moments d’obscurité mais aussi par des moments de joie et de lumière. Tous ces moments nous sont rapportés à travers l’aventure de Cléophas et de son compagnon comme nous l’avons entendu il y a un instant. 

 

    Chacun de nous doit parcourir le chemin de sa vie avec ses joies  mais aussi ses peines et ces ruptures douloureuses. Mais le récit d’Emmaüs nous affirme que sur notre chemin il y a toujours un compagnon qui est là simplement, non pour modifier les événements mais pour nous ouvrir sur la vérité de notre vie. Ce compagnon prend divers visages, le visage d’un mari, d’une épouse, d’un ami et plus intimement encore d’une parole intérieure à travers laquelle notre vie prend sens.

 

    C’est bien ce qui est arrivé pour les deux disciples de l’évangile. Après la mort de Jésus, ils ont le sentiment que leur vie n’a plus de sens, tout espoir est perdu, leur aventure avec Jésus s’est arrêtée au sommet d’une colline sur un bois de mort et ils ont fui la Jérusalem de leur espoir. Ils marchent sur la route tout tristes. Mais un compagnon les rejoint et sa parole va changer leur regard. La vie n’est pas close dans la mort parce que l’amour est plus fort que la mort. Celui qu’ils aiment non seulement est vivant mais mystérieusement plus proche d’eux encore que lorsqu’ils l’accompagnaient sur les routes de Palestine. Sa présence est tout autre, mais forte puisqu’elle change leur coeur. 

 

    Curieusement les paroles de ce compagnon à la fois touchent leur coeur, ils le diront dans l’auberge «notre coeur n’était-il pas brûlant en nous tandis qu’il nous parlait sur la route», et en même temps ils restent dans le doute, dans une certaine incertitude «leurs yeux étaient aveuglés». Notre foi de chrétien nous fait vivre ce paradoxe : la mort est bien là avec le tragique de la rupture et pourtant notre coeur nous dit qu’un amour infini peut nous faire passer de la mort à la vie comme le disait Saint Jean dans la première lecture que nous avons entendue. Bien sûr, notre intelligence cherche à comprendre et pose à juste titre de nombreux «comment», «comment  cela peut-il se faire ?». C’était l’interrogation de Marie quand le messager de Dieu est venu lui annoncer qu’elle aurait un enfant et ce messager a cette réponse de confiance «rien n’est impossible à Dieu». C’est cette confiance un peu folle mais fondée sur la Parole du Christ Jésus, qui nous habite cet après-midi.

 

    Au moment d’entrer dans l’auberge, les disciples d’Emmaüs ont cette parole qui exprime leur attente pleine d’espérance : «Reste avec nous car il se fait tard». Cet après midi nous pouvons dire au Christ Jésus la même parole : Oui, Seigneur, reste avec nous car nous avons du mal à porter notre peine et l’absence de Jean-Marie est dure à vivre. Le Seigneur, notre compagnon de route, souhaite rester avec nous si nous l’invitons à la table de notre vie. Il n’est pas en son pouvoir de nous éviter les souffrances et les malheurs qui jalonnent plus ou moins toute vie humaine. Il entend simplement partager ce que nous vivons et faire entrer dans les divers événements de notre vie la puissance de son espérance et de sa résurrection.

 

    Les disciples partagent le repas avec leur compagnon de route. Et l’évangile nous dit qu’au moment où ils reconnaissent Jésus, celui-ci disparaît à leurs regards. Présence et absence, n’est-ce pas le sens de toute vie humaine. Même lorsque nous pouvons voir, entendre, toucher ceux que nous aimons, il y a toujours une part mystérieuse qui nous échappe ; et la rupture de la mort vient souligner ce mystère.  C’est notre grandeur d’être capable de percevoir l’invisible. Dans le livre, le «Petit Prince» de Saint-Exupery, le renard a cette parole si juste : «L’essentiel est invisible pour les yeux». C’est ce qu’ont découvert les deux disciples d’Emmaüs, c’est ce que nous pouvons découvrir  à travers l’invisible de l’eucharistie que nous célébrons. Jean-Marie est invisible pour nos yeux, mais il reste présent non seulement dans notre souvenir, mais dans la réalité même du Dieu de Jésus Christ, source de notre espérance.

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