"Tous mangèrent à leur faim"

Publié le par Père Maurice Fourmond

Jonathan Pierre Vivante  1 juin 2013

 

Homélie

Luc 9, 11b-17

 

 

    La première phrase de l’évangile nous rapporte deux aspects majeurs de l’action de Jésus au milieu de nous. Rappelez-vous, l’évangile commence par ces mots : «Jésus parlait du Règne de dieu à la foule et il guérissait ceux qui en avaient besoin». «Parler», «guérir» voilà les deux premiers aspects de la mission de Jésus dans le monde.

 

    D’abord la Parole, parce que la parole est l’acte de relation, de communication essentiel à toute vie humaine, quelque soit la forme du langage employé, des mots, des gestes ou simplement une présence silencieuse. Ce n’est pas sans raison si l’évangile de Jean souligne cette priorité de la Parole la plaçant en tête de son évangile : «Au commencement était le Verbe, la Parole» Et Jean poursuit : «Tout fut par lui et rien de ce qui fut, ne le fut sans lui. En lui était la vie» (Jn 1, 2). Nous pouvons donc nous attacher à cette parole qui bien plus que des mots est une personne, Jésus de Nazareth, et une personne dont le nom est «espérance».

 

    Non seulement Jésus parle, mais il guérit. Nous savons qu’au temps où Jésus était encore sur la terre, les guérisons physiques étaient les signes d’une guérison plus profonde, plus essentielle, la guérison du coeur. La guérison que nous pouvons attendre de Jésus est cette guérison intérieure qui, en nous accordant à l’amour de Dieu et des frères, devient source de paix.

 

    Mais l’évangile va plus loin : non seulement Jésus parle, guérit, mais aussi il «nourrit». C’est le sens de cette multiplication des pains. Même si certaines phrases nous renvoient à notre responsabilité devant la misère du monde comme le commandement intimé aux apôtres «donnez-leur vous-mêmes à manger», il faut prendre ce récit comme un signe que Jésus continue à nous nourrir, non plus avec le pain qui nourrit le corps, mais en nous offrant sa propre vie.

 

    C’est bien ce que Jésus a laissé à ses amis lors de son dernier repas  : «Prenez, mangez, ceci est mon corps livré pour vous... Vous ferez cela en mémoire de moi». Lorsque nous redisons les paroles de Jésus sur le pain et le vin, nous croyons que le Christ ressuscité réalise pour nous une présence mystérieuse qui n’est autre que sa vie donnée en nourriture pour notre vie. Qu’est-ce que cela veut dire ?

 

    Nous distinguons «donner la vie» et «donner sa vie». Dans ce dernier sens, «donner sa vie» comporte deux réalités majeures. D’une part une préférence : je préfère ta vie à la mienne et d’autre part je permet que ce qui me fait vivre passe en toi. C’est dans ces deux sens que Jésus a institué l’eucharistie que nous vivons cet après-midi.

 

    Dans l’eucharistie, Jésus nous dit : je préfère perdre la vie mais pour que toi tu vives. C’est le sens de la parole «ceci est mon corps livré». Jésus nous dit ainsi : mon amour pour toi est si fort que j’accepte de donner ma vie pour que tu puisses vivre. L’eucharistie nous rappelle ce geste d’amour de Jésus  acceptant d’être condamné et de mourir douloureusement sur une croix afin de nous ouvrir un chemin où nous serons des vivants. Dans l’eucharistie, Jésus dit à chacun de nous : «en t’offrant ma vie, je t’ouvre un chemin de vie éternelle».

 

    Mais l’eucharistie c’est aussi Jésus qui fait passer sa vie en chacun de nous. Toute la vie de Jésus a été une vie de relation aimante avec Dieu son Père et c’est cet amour du Père qui transformait son regard et son attitude vis-à-vis de tous ses frères et soeurs que nous sommes. Jésus avait dit quel était l’essentiel de l’exigence pour un croyant, lorsque, à la demande d’un légiste : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus avait répondu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Écriture - dans la Loi et les Prophètes - dépend de ces deux commandements. » La vie de Jésus est entièrement fondée sur ce double amour qui, en réalité, n’en fait qu’un. Et cet amour qui habitait Jésus a trouvé sa plénitude dans la transfiguration de tout son être dans l’éblouissement de sa résurrection plénière. C’est la perfection de cet amour qui est la vie éternelle de Jésus et qui nous est offerte chaque fois que nous participons à l’eucharistie. La présence réelle du ressuscité n’est autre que le don qu’il nous fait de sa vie afin que nous puissions en faire notre propre vie. C’est toute la puissance du ressuscité que Jésus entend partager avec chacun de nous lorsque nous mangeons ce pain et buvons au calice. La présence réelle de Jésus n’est autre que la puissance de sa vie ressuscité qui est introduite au coeur de notre propre vie afin que nous puissions y trouver force et joie intérieure.    

 

    Le récit de la multiplication des pains se termine par l’expression d’une incroyable abondance : «Tous mangèrent à leur faim, et l'on ramassa les morceaux qui restaient : cela remplit douze paniers». La vie ressuscité que Jésus nous offre sans cesse est une merveilleuse nourriture qui peut combler notre faim, non pas pour faire disparaître nos épreuves, notre souffrance, mais pour les remplir d’une espérance que Jésus seul, en nous donnant sa vie, nous permet de partager.

 

    C’est pourquoi nous pouvons vivre ce paradoxe : touchés d’une blessure inguérissable et en même temps remplis d’une vie ouverte sur l’infini de l’amour de Dieu.

 

    Que ce soit notre foi, nous qui partageons cette eucharistie.

Publié dans Homélies du dimanche

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