"C'est trop peu...", "Alors leurs yeux s'ouvrirent"

Publié le par Père Maurice Fourmond

Messe avec Philippe Béguerie

Samedi 6 Mai 2017

Isaïe 49, 5-6

Luc 24, 13-35

Homélie

 

    Les deux textes bibliques que nous venons d’entendre avaient été choisis par Philippe pour sa Messe après sa mort. Il avait choisi un extrait du prophète Isaïe à cause de la petite phrase qui conclut le passage : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » Car cette parole, écrit Philippe, « ouvre sur la mission universelle ». Et il avait choisit l’évangile des disciples d’Emmaüs car disait-il « c’est la structure des sacrements ». Ces deux aspects résument assez bien l’orientation de la vie de Philippe : la mission et la découverte de la vie sacramentelle comme signe d’un Dieu qui accompagne sans cesse l’homme.

    Je voudrais reprendre brièvement ces deux aspects que nous livrent les deux textes de la Parole de Dieu choisis par Philippe.

 

    Et d’abord le texte d’Isaïe. Le Seigneur indique à son serviteur qu’il convient de rassembler non seulement les enfants d’Israël, mais les hommes de toutes les nations et jusqu’aux extrémités de la terre. C’est d’ailleurs ce que Jésus n’a cessé de demander à ses disciples : « Cet Évangile du Royaume sera proclamé dans le monde entier ; il y aura là un témoignage pour toutes les nations » Mt 24, 14 ; ou encore après sa résurrection : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » Mt 28, 19.

 

    Si Philippe s’est voulu missionnaire, c’est parce qu’il avait entendu cet appel du Seigneur ; il sentait dans son coeur que cette liberté que Jésus apportait à chaque homme, il convenait de la proposer à tous les hommes de bonne volonté dans le respect de leur culture, de leur langue, de leur histoire. Philippe avait fait l’expérience de la joie qu’apporte la liberté de Jésus Christ et il n’avait pas d’autre désir que de le voir partagé par beaucoup.

 

    D'autre part, dans notre monde particulièrement divisé, la parole de Jésus invitant à la fraternité, résonnait fortement dans le coeur de Philippe, cette fraternité dont il avait fait une merveilleuse expérience auprès des montagnards du nord Cameroun.

 

    Nous savons que Philippe a travaillé de nombreuses années pour promouvoir une pastorale des sacrements qui transforme en profondeur la vie chrétienne; il a même été le responsable pour la France de cette pastorale au CNPL (Centre National de la Pastorale Liturgique). Il voyait dans le récit d’Emmaüs l’itinéraire lumineux de toute vie spirituelle dont chaque sacrement est le signe. Emmaüs décrit le chemin de tout catéchumène, de tout chercheur de Dieu que nous sommes jusqu’à la fin de notre vie.

 

    Cet itinéraire commence par écouter la Parole, celle de Jésus. Professeur d’Écriture Sainte, Philippe était particulièrement sensible au travail sur la Parole de Dieu, travail qui ouvre le coeur et rend disponible pour accueillir l’amour infini de Dieu. Toute vie spirituelle commence par se confronter à la Parole de Dieu, par prendre le risque d’être étonné, d’être provoqué, déstabilisé par cette Parole. Et en même temps subjugué par la force de cette parole, par la lumière qu’elle transmet. C’est ce qu’ont éprouvé les deux disciples sur la route d’Emmaüs.

 

    Pour tout catéchumène, pour tout chercheur de Dieu, pour nous, arrive le moment du choix : on laisse passer le don du Seigneur, ou on l’accueille. L’accueillir, c’est dire humblement ce que les disciples ont dit à cet étranger devant l’auberge : « Reste avec nous ».

 

    Vient alors le moment du partage qui relie le visible et l’invisible comme pendant le repas dans l’auberge d’Emmaüs. Tout sacrement et particulièrement le sacrement de l’Eucharistie est ce moment de partage où ce qui est à voir n’est qu’un passage pour entrer dans l’invisible. Dans tout ce que Philippe a écrit sur les sacrements, revient sans cesse ce paradoxe de la présence et de l’absence, de la joie qui comble et d’une insatisfaction devant un manque profond, une faim qui n’est pas apaisée.

    La finale de notre évangile rejoint l’appel universel d’Isaïe, rejoint l’élan missionnaire inscrit dans le texte du prophète. La démarche des deux disciples repartant aussitôt vers Jérusalem en est le signe comme aussi l’urgence. Cléophas et son compagnon sont transformés intérieurement : ils passent d’une tristesse exprimée au début de l’évangile à une force, une énergie qui naissent d’une présence invisible mais réelle du Seigneur sur leur route.

 

    Cette transformation du coeur par et dans l’amour infini de Dieu déjà commencée au cours de notre vie, trouvera un jour son plein accomplissement. Cette transformation a nom « résurrection ». Philippe a achevé sa route et il participe maintenant à la plénitude de Dieu, il est enfin pleinement lui-même dans toute la beauté du regard de Dieu sur son serviteur Philippe.

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