"Ma Résurrection est déjà commencée"

Publié le par Père Maurice Fourmond

Maison Marie-Thérèse

Halte spirituelle, mercredi 3 mai 2017

Ma résurrection

 

     Le temps pascal nous parle de la résurrection du Seigneur Jésus, mais aussi, puisque Jésus nous a dit que nous devions avoir part à sa propre résurrection, ce temps pascal nous invite à réfléchir sur cette promesse de Jésus et donc sur notre propre résurrection. Notre résurrection s’inscrit déjà dans le don de la vie éternelle que Dieu nous  offre dès le premier instant de notre vie ; résurrection et vie éternelle sont deux mots qui désignent la même réalité c’est-à-dire la participation à la vie même de Dieu mais sous deux aspects différents et complémentaires. Cette vie éternelle, cette résurrection qui est participation à la vie de Dieu et que Dieu nous offre, donnent tout son sens à notre vie humaine. Je voudrais donc montrer que dès maintenant, notre vie s’inscrit dans une vie éternelle, que dès maintenant, nous sommes en travail de résurrection.

 

1- Nous pouvons le comprendre à partir de cette affirmation de notre foi selon laquelle la résurrection n’est autre que : « être en Dieu », participant à son être divin. Lorsque nous essayons de définir l’être de Dieu avec nos mots humains, nous pouvons dire que la plus belle et la plus profonde définition de Dieu est celle qui est exprimée dans la première lettre de Saint Jean au chapitre 4 : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour ». Certes, le mot amour est un mot très ambigüe et tellement dévoyé, toutefois on peut penser qu’aimer comme le dit la petite Thérèse, « c’est tout donner et se donner soi-même ». N’est-ce pas ce que nous dit toute la Révélation chrétienne où Dieu ne cesse de se donner, c’est même l’essentiel de ce qui nous est dit de Dieu. Dieu est don et il n’est que don de lui-même. Lorsque nous parlons de la grâce, lorsque nous demandons une grâce à Dieu, lorsque nous lui demandons son aide, nous savons qu’il ne peut que se donner lui-même. C’est ainsi que la prière de demande est efficace non pas dans le fait de recevoir les choses que nous avons pu demander, mais en ce sens qu’il nous est donné de recevoir Dieu lui-même, ce Dieu qui est l’amour. Mais ce don de Dieu-amour nous transforme de l’intérieur, nous apportant la force nécessaire pour assumer les divers événements de notre vie qu’ils soient heureux ou douloureux. N’est-ce pas ce que nous dit Jésus à propos de la prière de demande en Saint Luc : « Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » Lc 11, 11-13. Cet Esprit Saint que Dieu donne toujours à qui le demande, n’est-il pas précisément l’amour qui unit le Père et le Fils, c’est-à-dire cet amour qui est Dieu et qui donne la vie.

    Ainsi Dieu est défini comme un amour qui se donne. C’est pourquoi quand nous disons que la résurrection, c’est « être en Dieu », c’est partager  la vie même de Dieu, nous disons que notre résurrection n’est autre qu’être habité, transformé par cet amour infini qu’est Dieu. Certes, cette transformation ne sera définitive qu’au moment de notre mort lorsque, sans que nous puissions le décrire, notre être sera pleinement ressuscité ; à ce moment, nous serons à l’image parfaite de cet amour qui est Dieu. Mais « être en Dieu » est-ce une réalité seulement après notre mort ou seulement en plénitude au moment de notre mort. Nous croyons que cette réalité, cette transformation par Dieu, en Dieu, cette transformation de notre vie par l’amour qu’est Dieu est déjà commencée aujourd’hui dans notre vie terrestre. 

2- C’est la Révélation qui nous dit que cette habitation efficace de Dieu en nous est commencée dès le premier instant de notre vie. Le livre de la Genèse dit que chacun de nous est créé à l’image de Dieu, c’est-à-dire que dès le premier instant de ma vie, il y a quelque chose de divin en moi, il y a quelque chose qui s’apparente à cet amour infini qui est Dieu, il y a en moi une trace de ce qu’est Dieu comme l’amour même. Cet amour infini donne à mes pensées et à mes actes de pouvoir être habités par ce même amour, me transformant déjà dans et en cet amour divin. N’est-ce pas la définition même de la résurrection qui est d’être transformés en l’amour qu’est Dieu ? Je peux donc affirmer en toute vérité de foi que ma résurrection est commencée dès le premier instant de ma vie puisque ma vie est déjà « en Dieu ». Ainsi, chaque fois que je m’accorde à cet amour qu’est Dieu, Dieu me transforme en cet amour divin qu’il est lui-même et ainsi construit ma résurrection ; chaque fois que j’essaie d’aimer un peu à la manière de Dieu, je travaille à ma résurrection, je participe déjà à ma résurrection, je ressuscite déjà, même si c’est de façon imparfaite, inchoative, et malheureusement avec des hauts et des bas. 

    Bien sûr, nous le disions, être en Dieu ne sera une réalité parfaite et définitive qu’au moment de ma mort, mais déjà je peux construire quelque chose de cette réalité qu’est ma résurrection chaque fois que je laisse l’amour de Dieu habiter ma vie. À chaque fois, nous sommes transformés par Dieu, nous sommes « en Dieu », et quelque chose de notre résurrection se construit en vérité.

   3- Ainsi, parce que Dieu est au coeur de toute personne humaine, puisque Dieu insuffle sa vie qui est amour au petit être que je suis dès le premier instant de ma vie, la vie éternelle, ma résurrection n’est pas quelque chose qui s’ajoute à ma vie, qui me serait donné plus tard, qui est hors ou au-delà de ma véritable vie. Elle est constitutive de ma vie, même si je n’en ai pas conscience. Ma vie, ma résurrection commencée dès le premier instant de mon existence est cette puissance intérieure, cette puissance de vie qui m’habite dès ma naissance. Toute vie humaine a donc en elle une semence d’éternité en sorte que toute vie humaine en se déployant, dans la mesure où elle est à l’image de cette image de Dieu qu’est le Christ Jésus, dans la mesure où elle a des comportements qui s’apparentent à l’évangile, même sans en avoir conscience, cette vie est déjà une vie éternelle, une vie ressuscitée.

    Cette vie éternelle est ma vraie vie, celle qui dit le mieux qui je suis et ce à quoi je suis appelé, mon véritable « moi ». Dans ma propre personne, il y a quelque chose de divin, même si je ne sais pas le nommer. La parole de Saint Irénée, ce père de l’Église du second siècle disant « Dieu s’est fait homme pour l’homme devienne Dieu », a un sens merveilleux en affirmant que Dieu nous donne gratuitement de participer à sa vie éternelle, à sa vie divine. Quand nous disons que la vie éternelle est déjà commencée en nous, nous affirmons en même temps que se construit ainsi notre véritable identité humaine, notre véritable « moi » qui est de participer à la vie plénière de Dieu, à sa vie divine. La vie éternelle qui m’est donnée n’est pas un à côté de ma vie, un supplément  accidentel, elle est ce qui donne son véritable sens à ma propre vie, à ce que je suis en réalité. Maurice Zundel dans une retraite qu’il prêchait au Vatican en 1972 écrivait : « Je ne puis être qu’en Dieu… C’est quand je suis pris dans cette relation que je suis », c’est-à-dire à la fois que j’existe et « que je suis moi-même » ; ma véritable vie est une vie ressuscitée. Je peux donc dire que ma véritable vie à moi Maurice Fourmond est une vie éternelle. C’est pourquoi je peux rendre grâce sans cesse à Dieu de faire de ma vie quelque chose de sa propre vie éternelle, quelque chose de divin. Nous voyons ainsi que toute vie, que ma vie est importante quelques soient les difficultés, les souffrances ou les échecs qui la jalonnent. Toute vie humaine parce qu’elle est éternelle prend une dimension, une valeur infinie.

 4- Ainsi, ma vie éternelle inaugurée dès le premier instant de ma vie, m’ouvre à une espérance qui sans cesse me soutient. Parce que Dieu, gratuitement, m’associe à sa vie éternelle, ce que je fais, ce que je vis, déborde les limites de ma vie terrestre, déborde les limites de ce que je peux en percevoir. Je prend conscience que ma vie prend la dimension de la vie même de Dieu, ouvrant ma vie, ma capacité d’aimer jusque dans l’infini de Dieu. Cette espérance  déjà en travail dans ma vie ici-bas, trouvera une plénitude, une réalisation parfaite un jour, au moment de ma mort, selon une manière que je ne peux pas décrire. Mais cette espérance inscrit de la paix et du courage dans ma vie ordinaire, ma vie de tous les jours.

     Ce que je vis, ce que je fais si petit et si misérable que ce soit, a une portée éternelle, une dimension d’éternité, et ouvre sur une participation à ce qu’est Dieu, participation limitée actuellement et qui sera plénière et définitive au moment de ma mort.

 

5- Comment concrètement se manifeste ma vie éternelle ? Nous savons que toute relation aimante transforme les partenaires, permet à chacun de se construire, de réaliser ce qu’il est en vérité. Ma vie éternelle, participation à la vie éternelle de Dieu me transforme, me construit, me fait vivre. Il y a quelque chose de ce qu’est Dieu qui s’inscrit dans ma vie et qui est déjà l’annonce de cette transformation définitive au moment de ma mort. Je peux percevoir cette résurrection à l’oeuvre en moi à la joie que je peux ressentir chaque fois que j’ai essayé de me comporter à l’image de Jésus de Nazareth.

 

 De plus, ma vie de prêtre m’a amené à voir cette vie éternelle à l’oeuvre dans la vie de beaucoup de personnes. J’ai découvert à quel point la participation à la vie de Dieu, en particulier à travers l’union au Christ Jésus, transformait leur vie, inscrivant une espérance inébranlable dans leur existence si difficile soit-elle. Je pourrai donner de nombreux exemples de cette transformation qu’apporte cette vie qui vient de ce que, consciemment ou non, quelque chose de Dieu habite toute personne. Vous-mêmes en êtes certainement les témoins chaque jour. Je pense en particulier à ce que fabrique cette espérance divine comme force, courage, comme capacité de discernement, comme ouverture au pardon, comme don de soi à l’image de la vie de Dieu telle que nous pouvons la reconnaître en particulier à travers la vie de Jésus. Devant ces personnes, devant leur générosité, leur humilité, leur courage, je me dis qu’ils témoignent de cette vie divine qui les habite, de cette vie éternelle qui les transforme et transforme le monde.

 

     Chaque fois que je discerne chez quelqu’un quelque chose qui s’apparente à l’évangile, à ce que le Christ Jésus a montré dans sa vie, je perçois la vie de Dieu au travail dans la vie de cette personne, je vois la résurrection qui se manifeste en elle, même si cette vie est encore très modeste.

 

     Ainsi la vie éternelle n’est pas à trouver dans un au-delà de notre vie terrestre, elle est déjà présente dans tous les gestes de don de soi inspirés par Dieu et images de Dieu lui-même. Dans tous ces gestes inspirés par l’esprit de l’évangile, c’est déjà la lumière de la résurrection qui m’habite et qui dit ce que je suis vraiment. Toutefois, en même temps que je contemple la vie éternelle à l’oeuvre en moi comme dans la vie de tant de personnes, j’y vois cette espérance qu’elle s’épanouira pleinement et définitivement dans le face à face avec Dieu. Comme le dit Paul « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face » 1 Co 13, 12 ; ce sera l’accomplissement de ma résurrection.

Publié dans Conférences

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