"Es-tu le roi des juifs ?" Jn 18, 33b-37

Publié le par Père Maurice Fourmond

Le Christ Roi

Novembre 2015

Jean 18, 33b-37

Homélie

 

    Je pense que Jésus aurait refusé le titre de roi tant ce mot était et est encore connoté de pouvoir absolu, d’autoritarisme et de volonté d’emprise sur l’esprit et la vie des gens. Dans l’évangile selon Saint Jean, après la multiplication des pains, les gens veulent que Jésus soit roi, mais il se dérobe et part prier dans la montagne (Jn 6, 15). Devant ses apôtres qui se disputent la première place et le pouvoir, Jésus déclare : « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert » Lc 22,25-26.

 

    Jésus dit à Pilate que sa royauté n’est pas de ce monde, c’est pourquoi nous avons à convertir notre conception de la royauté et abandonner l’image que nous donnent les rois de la terre. Le passage de l’évangile le plus juste pour comprendre la pensée de Jésus est le récit du lavement des pieds en Saint Jean (13). Jésus à la fois revendique son titre de Maître et Seigneur mais aussitôt il nous fait comprendre comment il entend l’exercer : « Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » Jn 13, 13-14). Si nous parlons de la royauté de Jésus, ce ne peut être que dans le sens du lavement des pieds, reconnaissant à la fois en Jésus le Maître, celui qui, par sa parole et par ses actes nous donne la vie, et celui qui se veut le serviteur de tous.

 

    Au moment du baptême d’un bébé, aussitôt après l’immersion dans l’eau, il y a le beau rite de l’onction d’huile ou saint chrême. L’onction est accompagnée d’une parole où il est dit au nouveau baptisé qu’il est associé au Christ dans sa triple fonction, sa triple responsabilité de roi, de prophète et de prêtre. J’aime bien alors expliciter cette triple responsabilité qui est celle de Jésus et de tout baptisé : roi c’est-à-dire au service des hommes, prophète, c’est-à-dire au service de la vérité et prêtre, c’est-à-dire au service de la prière, de l’action de grâce.

 

    La royauté telle que Jésus nous l’a fait comprendre est donc une royauté de service avec les exigences du service telles que l’évangile nous les présente. Selon l’évangile, le service consiste à rechercher le vrai bien de l’autre et non ce que nous décidons qu’il doit être ; le service est toujours humble, « Je suis doux et humble de coeur » dit Jésus de lui-même ; parlant des serviteurs qui ont attendu et servi leur maître, Jésus leur demande de reconnaître « nous n’avons fait que notre devoir » Lc 17, 10 ; enfin le service selon Jésus est pleinement gratuit, même si la réciprocité est un élément important pour la dignité de chacun.

 

    Quel est le service que Jésus est venu rendre à l’humanité ? Il me semble qu’il est particulièrement exprimé dans la réponse de Jésus à Pilate qui conclut l’entretien : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » Jn 18, 37. Le service que nous rend Jésus est d’être témoin de la vérité, vérité de l’homme et vérité de Dieu. Et Jésus ajoute « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix », parole merveilleuse en ce sens qu’elle déborde toutes les frontières de culture, de langue, de religion.

    Lorsque nous méditons la vie de Jésus, nous voyons qu’il présente une parfaite image de l’homme tel que désiré dans l’amour infini de Dieu. Il nous dit la vérité sur l’homme. Sa vie nous présente des facettes d’humanité particulièrement belles. On peut les résumer autour de de ces quelques mots : Jésus est un homme libre, c’est un homme pleinement accordé à Dieu son Père, c’est un homme de compassion, attentif aux plus petits et aux marginaux de la société, un homme de miséricorde et de pardon.

 

    Quant à la vérité sur Dieu, Jésus nous dévoile un Dieu de tendresse bien loin de l’image des dieux païens qui ne sont que des projections anthropologiques où la vengeance, la domination, l’arbitraire en sont les éléments constitutifs. La véritable royauté de Jésus nous demande de revoir nos représentations de Dieu afin de découvrir le Dieu d’amour qui est touché par nos détresses, qui s’est voulu lié à notre humanité dans sa faiblesse et qui ne cesse de partager nos routes.

 

    Alors, oui, nous pouvons reconnaître ainsi la royauté de Jésus et lui rendre grâce. Sa royauté ne s’exprime-t-elle pas dans cette eucharistie à travers l’humble signe d’un peu de pain offert à tous en nourriture.

Publié dans Evangile de Jean

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