Retraite diacres 2017 5ème exposé

Publié le par Père Maurice Fourmond

Méditer la Parole de Dieu

1- Importance de cette parole
    Je voudrais parler avec vous de la place de la Parole de Dieu, bien sûr dans la vie de tout chrétien, mais tout particulièrement dans votre ministère de diacre. Certes nous savons que la Parole de Dieu, c’est la personne de Jésus, c’est le Verbe incarné « Et le Verbe s’est fait chair ». Mais nous avons la chance que des témoins aient transcrit par écrit ce qu’ils avaient reconnu dans la vie de ce Jésus comme aussi les textes inspirés que les prophètes de l’Ancien testament ont transmis à leur peuple. Ce sont ces Écritures dont je voudrais montrer l’importance dans nos vies et combien leur méditation est source de lumière et de force pour votre ministère.

    La parole est toujours un lieu de révélation : je me révèle à l’autre et l’autre se révèle à moi. À travers l’échange d’une parole, nous nous révélons l’un à l’autre, nous nous révélons l’un l’autre à la fois dans ce qui nous unit et dans ce qui nous distingue. La parole unifie et différentie. J’aime bien le récit de la Visitation qui illustre parfaitement ce propos. Vous vous rappelez ce passage de Luc : Marie est venue en hâte pour aider sa vieille cousine sur le point d’accoucher. Il y a un échange de paroles : d’abord la salutation de Marie, puis la réponse de sa cousine. Le texte ne précise pas les mots de la salutation de Marie, mais le rappel de cette parole suffit : quelque chose bouge dans le ventre et dans le coeur d’Elisabeth qui pousse un grand cri. Et c’est alors sa parole répondant à la salutation de Marie : “Tu es bénie plus que toutes les femmes, béni aussi est le fruit de ton sein” (Lc 1,42). Nous voyons bien là en quoi la parole échangée à la fois unit ces deux femmes et les différentient. Elle crée un lien de “reconnaissance” mutuelle qui va d’ailleurs bien au-delà d’une reconnaissance de leur parenté, c’est la reconnaissance du mystère de chacune, du mystère qui habite chacune de ces femmes. En même temps, elle situe ces deux femmes dans leur singularité : Elisabeth dans la joie et l’étonnement de la venue de la mère de son Sauveur, et Marie comme unique entre toutes les femmes. Chacune révèle à l’autre son mystère. N’est-ce pas ce que fait précisément la méditation de la Parole de Dieu ? Elle nous révèle quelque chose du mystère de Dieu et quelque chose de notre propre mystère. Elle nous dit que nous existons comme fils, fille de Dieu, elle nous unit à Dieu, elle nous dit qui nous sommes, elle unifie notre vie et en même temps, elle nous dit que Dieu est le Dieu d’un amour infini et que chacun est unique.


    Autre raison de l’importance de la Bible pour le chrétien : c’est que cette histoire du salut est notre propre histoire. Les auteurs bibliques, relisant l’histoire de leur peuple, y ont vu comme une présence de Dieu vivant au coeur de cette histoire, une relation d’Alliance réciproque avec son peuple et, à travers lui, avec l’humanité tout entière. Lire la Bible, c’est lire notre propre histoire en y reconnaissant l’appel amoureux de Dieu pour chacun de nous. C’est ainsi d’ailleurs que, de la même manière, un des aspects importants de notre mission de chrétien et de diacre, consiste à aider les personnes de bonne volonté à relire leur vie afin d’y découvrir cette présence mystérieuse de Dieu déjà à l’oeuvre à travers toutes les valeurs et les richesses qu’ils vivent déjà. Ainsi, la méditation de la Parole de Dieu nous fait entrer dans notre histoire, dans cette histoire sainte commencée dès les origines et qu’il nous appartient de continuer. La méditation de la Parole de Dieu, nous permet de relire à notre tour notre histoire dans sa dimension spirituelle la plus profonde, là où Dieu est mystérieusement présent. C’est le même Esprit qui souffle dans ces textes, qui habite notre propre coeur et nous fait avancer vers notre accomplissement humain et spirituel.


    On peut dire ainsi que la Bible a une dimension sacramentelle. Nous savons qu’un sacrement est un signe sensible qui est porteur d’une réalité invisible. C’est bien comme cela que “fonctionnent” les textes sacrés. Ils sont le support visible d’une réalité invisible qui a parlé aux auteurs bibliques, à ceux pour qui ils ont été écrit, et qui continue à nous parler aujourd’hui.

2- Aujourd’hui, la Parole biblique me met en relation avec Dieu et cette parole me ıfait vivre
    Entrons maintenant dans cette richesse que nous apporte la méditation de la Parole de Dieu. Mais d’abord quelles sont les conditions d’une méditation efficace ?

1-Les conditions. Dieu ne me parle pas directement, il n’y a pas de fil rouge qui nous mette en communication directe avec Dieu. La distance entre le « Tout-Autre » et nous, exige des médiations humaines qui autorisent cette relation sans pour autant nous permettre d’atteindre la réalité intime de Dieu. Dieu nous dit quelque chose mais en même temps il s’efface car toute représentation est inadéquate. Le Père Schillebeckx dans son livre “L’histoire des hommes, récit de Dieu” a des pages un peu difficiles mais éclairantes sur ce sujet, il écrit : “Lorsque notre prière s’adresse au Dieu réel et vivant, nous n’avons à l’esprit que des “images du divin” qui, dans la prière même, tombent en miettes” (p.127).  On connaît l’apologue du sable au bord de la mer : Dieu est comme la mer qui imprègne et lave le sable en se retirant. La Parole biblique est une médiation privilégiée à travers laquelle, Dieu nous livre un message de vie, non pas que Dieu ait écrit lui-même le texte, mais son Esprit habite le texte, il nous habite› aussi, et ce lien entre l’Esprit du texte et l’Esprit qui nous habite permet à celui qui “sait lire” d’entendre un message essentiel pour sa vie.  Mais, pour “savoir lire” trois conditions sont requises : une attitude de foi, une action de l’Esprit Saint, une disponibilité spirituelle.


    -l’attitude de foi. Nous disons souvent que les Écritures étaient des paroles de croyants : c’est la relecture dans la foi de la vie concrète des gens de leur époque, avec ses heurs et ses malheurs, ses conditions culturelles et politiques, qui a permis aux auteurs bibliques de lire Dieu dans leur histoire et de la transcrire ainsi. Si, selon la belle expression d’Olivier Artus, professeur d’Exégèse à l’Institut Catholique de Paris, la Bible est un “credo”, une profession de foi, nous ne pourrons en pénétrer le sens qu’en nous situant nous-mêmes dans la foi. Le regard de l’historien, de l’archéologue, de l’ethnologue, du sociologue... n’est qu’un préalable qui nous évite les fausses interprétations et “libère” le texte en sorte que chacun puisse accéder au “sens”. Reconnaître le sens est un acte de foi car c’est seulement dans la foi que je peux y reconnaître la Parole de Dieu.


    Et c’est l’Esprit Saint qui va me permettre de franchir la distance entre une vision purement humaine, factuelle du texte et le message qu’il contient pour moi, aujourd’hui. Nous avons tous fait cette expérience qu’un passage biblique, que nous avons lu et relu de nombreuses fois sans qu’il éveille un écho en nous, un jour brusquement nous parle et fait grandir notre relation avec Dieu. Pourquoi ? Je pense que c’est le fruit conjoint du travail de l’Esprit, de circonstances nouvelles ou d’un contexte particulier et aussi de notre disponibilité intérieure.


    Celle-ci est le troisième élément indispensable pour que la “lumière” contenue dans cette parole nous touche : avoir un coeur disponible. Qu’est-ce que cela implique ? Comme pour toute relation, cela va demander le silence d’un coeur qui écoute. Nous connaissons bien la réponse du petit Samuel à la voix de Dieu : “Parle, ton serviteur écoute” (1 S 3, 10). Ce silence intérieur veut dire, non pas qu’il faut quitter le monde, mais le mettre simplement sous le regard de Dieu. Le silence intérieur, c’est abandonner notre prétendue maîtrise de tout ce qui touche notre vie, pour laisser Dieu pénétrer ce monde de son regard de Père. Le silence intérieur, c’est aussi abandonner nos a-priori, nos jugements trop rapides, nous situer dans une attitude de non connaissance, laisser monter en soi le désir d’être touché par Dieu. C’est l’acceptation d’un non-savoir. Alors la lumière de l’Esprit Saint viendra ouvrir à notre coeur et à notre esprit ce que Dieu nous révèle aujourd’hui, quelle est aujourd’hui notre place dans cette histoire du salut qui conduit jusqu'en l’intime de Dieu.

2) La parole de Dieu me dit que je suis important pour Dieu. Il me semble que la première chose qui m’est dite, avant tout contenu, c’est que, si Dieu me parle à travers cette parole, c’est que je suis précieux pour lui, je suis important pour lui. Vous connaissez bien sûr ce passage du prophète Isaïe : “Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et moi, je t’aime” (Is 43, 4). Dieu veut me dire quelque chose car ce que je suis, ma vie, l’intéresse, plus encore, le touche comme la vie d’un enfant touche le coeur de ses parents et, selon les circonstances, leur apporte joie ou peine, espoir ou angoisse. En ouvrant ma Bible, Dieu veut me parler et ce désir de Dieu fait déjà que j’existe puisque quelqu’un s’intéresse à moi. Ceci est élémentaire : nous existons dans le regard des autres. La Parole de Dieu vient me dire que j’existe dans le regard de Dieu puisqu’il s’adresse à moi. 


    Mais qui suis-je pour que Dieu m’adresse la parole ? Je pense à plusieurs passages d’évangile où Jésus va s’adresser à quelqu’un bien qu’il soit considéré par les gens comme peu de choses ou que, à leurs yeux, l’intervention de Jésus apparaisse comme inutile. Par exemple lorsque Bar Timée, cet aveugle mendiant au bord de la route crie sa détresse vers Jésus qui passe. On veut le faire taire : “Beaucoup le rabrouaient pour qu’il se taise... Jésus s’arrêta et dit : Appelez-le” (Mc 10, 48-49). Ou encore dans le même Marc cet épisode de Jésus en marche vers la maison de Jaïre dont la petite fille est malade. En chemin on vient dire à Jaïre : “Ta fille est morte, pourquoi ennuyer encore le Maître ? Mais, sans tenir compte de ces paroles, Jésus dit au chef de la synagogue : Sois sans crainte, crois seulement” (Mc 5, 35-36). Oui, malgré ma petitesse, Dieu me parle car je suis son enfant et ma vie lui tient à coeur. Déjà, la Parole de Dieu me dit que j’existe.

3) Ce qu’il ne faut pas chercher dans cette Parole. Nous n’avons pas à chercher la vérité “factuelle” du texte ; ne cherchons pas à savoir “si ça s’est passé exactement comme cela” ; c’est un message qui nous est offert, c’est la vérité du message qu’il nous faut découvrir à travers le texte et non l’exactitude des faits. Mais il ne faut pas non plus chercher la réponse directe à mes questions. Dieu n’est ni un “maître d’école”, ni un “devin”, ni un « gourou ». Nous ne pouvons pas avoir dans la tête des interrogations concernant des choix à faire, des décisions à prendre et ouvrir notre Bible afin d’y trouver “la” réponse qu’il suffirait de suivre. Dieu ne prend pas notre place, il ne fait pas les choix à notre  place. Si sa Parole est une lumière pour notre vie, ce n’est pas en nous fournissant la solution qu’il faudrait adopter, mais en déplaçant nos questions.


    Que veut dire “déplacer nos questions” ? Nos questions s’inscrivent à l’intérieur de limites qui sont celles de nos façons d’appréhender le réel selon notre histoire personnelle. La Parole de Dieu va déplacer nos questions en élargissant notre horizon. Elle nous invite à déplacer notre regard en nous efforçant d’avoir un regard qui s’apparente au regard de Dieu. Nous entrons dans l’univers de Dieu qui élargit le champ de nos interrogations. C’est le réel de Dieu qui nous est proposé élargissant le réel limité de notre regard. Ainsi la Parole de Dieu nous ouvre des perspectives que nous n’avions pas envisagées, elle ajoute des paramètres à ceux que nous avions dans la tête. Nous n’envisageons plus les choses de la même façon. Certes cela ne nous donne pas la solution mais cela nous permet de regarder les choses de façon nouvelle, plus spirituelle, plus en rapport avec notre vocation. Il nous appartiendra alors de poursuivre notre réflexion et de décider en toute liberté. 

4) En quoi la Parole de Dieu élargit-elle ma vision des choses ? La lecture de la Parole de Dieu ouvre ma vie en me montrant qui je suis, à quoi je suis appelé, quelles options vont dans le sens de la vie et lesquelles me détruisent, quelle est cette dimension éternelle qui m’appelle de l’intérieur, m’oriente vers un Dieu d’amour, m’assure d’une relation possible avec lui, d’une communion telle qu’elle dépassera les limites normales de mon existence ici-bas. Comme nous le disions il y a quelques minutes, la lecture de la Parole de Dieu me transporte dans l’univers de Dieu où, je le crois, je suis dans la plus profonde vérité de ma vie.


    Ainsi, quand j’ouvre ma Bible, je ne quitte pas le réel, mais, dans la foi, je lui découvre une profondeur insoupçonnée. Je ne me réfugie pas dans un monde imaginaire, tout au contraire, je découvre enfin la profondeur de mon existence. C’est vrai qu’en parlant avec des amis non croyants, agnostiques ou athées, on a parfois l’impression d’être sur deux planètes différentes. Le regard de la foi crève la bulle de notre univers pour s’ouvrir sur une transcendance. Certains pensent qu’il existe une transcendance sans Dieu et, pour cela, ils évoquent des “valeurs” qui dépassent (transcendent) la seule fabrication humaine. Au nom de ces valeurs en cours d’universalisation, on définit une transcendance qui, par exemple, aurait nom l’humanité, débordant chaque individu particulier. Certes une telle façon de voir est tout à fait respectable. Cependant la transcendance qu’on découvre dans l’humanité manque de fondement, on en ignore toujours la source même si la source est toujours à chercher. La Parole de Dieu nous met en communication avec la source qui, pour le croyant est Dieu, un Dieu transcendant c’est-à-dire tout à la fois hors de l’univers et au coeur de l’univers, hors de nous-mêmes et plus intime à nous que nous-mêmes.

5) La Parole de Dieu me fait vivre en me situant comme “partenaire” de Dieu. C’est déjà tout le sens de l’Ancien Testament. Le beau mot d’Alliance qui en est le coeur exprime bien cette réciprocité voulue par Dieu. Une réciprocité qui, du côté de Dieu est absolument fidèle mais qui de notre côté connaît bien des dérobades, des retraits, des refus ou du moins des interrogations.


    C’est donc en partenaire de Dieu que je vais ouvrir ma Bible. Mon attitude devra donc être une attitude attentive comme devant quelqu’un avec lequel je suis lié et qui a quelque chose à me dire et cela d’autant plus que le Seigneur nous a confiée une mission. Dans cette rencontre, comme nous le disions la dernière fois, j’ai à me rendre accueillant à l’Esprit Saint, ce grand “communicateur” afin de recevoir le message de Dieu : “Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir” (Jn 16, 13).

6) La Parole de Dieu me fait vivre en me donnant des repères fondamentaux pour m’aider à conduire ma vie. A travers les attitudes des divers personnages de la Bible, à travers les enseignements délivrés, nous pouvons y déceler des repères pour notre vie. Les personnages bibliques, réels ou imaginaires sont montrés dans des attitudes qui interrogent notre foi. Que ce soit la foi d’Abraham ou celle des apôtres, le courage des prophètes comme Jérémie, le cri de révolte, d’indignation et de confiance de Job, tous ces personnages nous présentent les aspects positifs et négatifs de la relation avec Dieu. Ils constituent comme une typologie de ce que doit être ou ne pas être l’attitude croyante.


    A côté des personnages bibliques, il y a tout l’enseignement que contiennent ces livres mais, particulièrement pour le chrétien, cette Parole incarnée qu’est Jésus de Nazareth l’exemple de sa vie et son enseignement traduit dans les livres du Nouveau Testament. Comment ne pas être interpellé par ces paroles paradoxales mais tellement vigoureuses de l’évangile : “perdre sa vie pour la gagner”, “aimer ses ennemis”, “prendre la dernière place”, “se faire le serviteur de tous”... Ces fortes paroles ne nous disent pas ce qu’il faut faire, mais elles sont comme des phares qui orientent le bateau de notre vie vers ce qui peut nous faire vivre et nous apporter de la joie.

7) La parole de Dieu me fait vivre par l’engagement qu’elle exige. De même que l’Alliance telle que décrite dans l’Ancien Testament engageait le peuple d’Israël dans sa vie quotidienne, de même pour nous, méditer la Parole de Dieu n’est pas neutre. Il ne servirait à rien de méditer cette Parole si elle n’avait aucune influence sur notre vie de tous les jours. Toute parole sérieuse engage. Si je fais mien le message biblique alors, je suis engagé dans cette parole. Certes, nous restons avec nos fragilités et nos faiblesses, mais il nous appartiendra de réfléchir sur nos comportements à la mesure du message divin ; c’est une question de cohérence de notre vie.


    Cet engagement a toujours accompagné nos ancêtres dans la foi. Déjà le peuple d’israël se sentait profondément engagé par la Parole d’Alliance de Dieu, même s’il était souvent infidèle aux engagements pris. Puis, la rencontre avec la parole faite chair, Jésus de Nazareth, a engagé ceux qui acceptaient de le suivre. Lors de l’appel des premiers disciples au bord du lac, nous lisons : “Laissant tout, ils le suivirent” (Lc 5, 11). Et après la résurrection de leur maître et son départ visible ils répondront de tout leur coeur à ce que Jésus leur demande : “Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre” (Ac 1,8).


    Oui, on ne peut accueillir la Parole de Dieu sans que cette parole fasse bouger notre vie, nos habitudes, nos manière de nous situer dans le monde. Rappelez-vous cette parole du Christ dans son dernier entretien avec ses amis que nous citions tout à l’heure : “Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière” (Jn 16, 13). La parole de Dieu nous engage sur le chemin de la vérité de nos vies et c’est un engagement très exigeant. Il s’agit de mettre en oeuvre ce que nous avons entendu.

8) La parole de Dieu me fait vivre parce qu’elle est toujours une parole d’espérance. La parole de Dieu vient sans cesse me redire que rien n’est perdu définitivement. C’est le leitmotiv qui court à travers toute la bible que ce soit pour l’humanité tout entière ou pour chacun de nous. Par rapport à l’humanité, c’est d’abord la promesse qu’on retrouve tout au long de l’Ancien Testament et qui annonçait la venue d’un Messie, d’un libérateur. Cette promesse est pleinement manifestée dans le Nouveau Testament par la personne de Jésus de Nazareth, le Messie attendu. Jésus va ouvrir à l’humanité entière et à chacun de nous un avenir éternel qui a nom “résurrection”. Ainsi, la Bible nous révèle une “histoire” qui aboutit à la transfiguration de l’humanité tout entière lorsqu’arrivera ce qui est appelé “la fin de temps” ou encore “le retour du Christ”. C’est en particulier ce que nous explique saint Paul dans plusieurs de ses lettres comme par exemple dans le lettre aux Éphésiens : “Mais Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés... il nous a donné la vie avec le Christ... avec lui il nous a ressuscité et fait asseoir dans les cieux en Jésus Christ” (Ep 2,G 4-6). Et ce passage de la première lettre aux chrétiens de Corinthe : “Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous” (1 Co 15, 28).


    Mais cette espérance n’est pas seulement reportée à la fin des temps, elle est offerte à chacun de nous comme en témoigne de nombreux passages du Nouveau Testament. Par exemple le dialogue entre Marthe et Jésus au moment de la mort de Lazare : “Ton frère ressuscitera” “Je sais répondit Marthe qu’il ressuscitera lors de la résurrection au dernier jour” “Jésus lui dit : “Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra” (Jn 11, 23-25). Ou encore dans un autre style la parabole du fils prodigue où ce dernier ayant rejoint la maison paternelle est désigné comme celui qui était perdu et qui est retrouvé, celui qui était mort et qui est revenu à la vie. Ou encore la promesse faite au “bon larron” sur la croix : “Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis” (Lc 23, 43).


    Ainsi, la Parole biblique nous fait vivre en nous redisant sans cesse la confiance de Dieu, en nous redisant sans cesse l’espérance de Dieu dans l’aujourd’hui de notre vie. 

Conclusion.
    La parole de Dieu est comme une nourriture. De même que nous avons besoin pour vivre de nourrir notre corps chaque jour, de même nous avons besoin de nourrir notre foi tous les jours et tout particulièrement nous, ministres de Jésus qui portons une exigence particulière dans l’annonce de la Bonne Nouvelle. La méditation de la Parole de Dieu est vraiment la nourriture quotidienne qui peut nous aider à vivre. L’expérience montre que plus nous méditons la Parole de Dieu, plus nous prenons goût à cette nourriture en sorte que peu à peu, nous ne pouvons plus nous en passer.
    Mais je conclurai en me référant à ce beau récit de l’Annonciation. Dans ce récit, Luc nous parle de la Parole qui s’incarne en cette jeune fille Marie, modèle sans doute de tout accueil de la Parole de Dieu. Comme en Marie, il convient que cette parole s’incarne dans notre vie, qu’elle prenne chair en nous, qu’elle devienne la chair de notre chair non pas dans la matérialité du livre, mais dans le message qu’il contient pour moi. Il nous revient de dire comme Marie : “Qu’il me soit fait selon ta Parole”. C’est ainsi que la Parole de Dieu n’a de sens que dans la mesure où elle devient une réalité concrète dans notre vie, dans la mesure où notre vie est une incarnation de la parole de Dieu où nous devenons nous-mêmes “parole de vie” pour les autres.


Je joins à mon texte une belle lettre de l’évêque Théodulfe

Lettre de l’évêque Théodulfe (9ème siècle).
Théodulfe était évêque d’Orléans au temps de Charlemagne (9ème siècle). L’enthousiasme avec lequel il présente la Bible montre la place qu’elle prend dans une vie de foi.

    La Bible est le pain du fort. Elle est aussi le lait de l’enfance. Si aux uns elle procure une nourriture solide, aux autres elle présente en même temps un aliment plus léger. Tantôt elle bouillonne comme un vin généreux, tantôt elle adoucit comme le jus de l’olive. En inspirant aux hommes mille sentime nts divers, elle les conduit à une même félicité (...)
    D’autres livres fatigueront l’attention à force d’être médités. Pour celui-ci, plus on le médite, plus on s’y attache (...)

    Ouvrez, à son approche, la porte de votre âme. Qu’exempte de toute souillure, elle soit digne de servir d’asile à l’Auteur même de cette loi sainte. Qu’il veuille bien y descendre avec elle pour vous l’expliquer... Méditez fréquemment cette loi sainte. Occupez-vous et le jour et la nuit de ses salutaires avis. Portez-la en votre coeur, ayez-la toujours en main, à la bouche. Tandis que vous corrigez les fautes des autres, que l’Écriture Sainte corrige les vôtres (...)

    Qu’à l’heure du coucher, elle trouve encore place à votre chevet, et, lorsque le sommeil fuit de vos paupières, qu’elle vienne à l’instant vous  trouver. Non seulement pour que vous soyez savant, mais pour que vous soyez juste. L’une et l’autre de ces choses sont bonnes, encore que l’une l’emporte sur l’autre. Car le Tout-Puissant ne vous demandera pas compte de vos paroles, mais de vos actions. Cependant, vous pouvez lui plaire en l’une et en l’autre.
    Apprenez en lisant, exercez-vous souvent, instruisez-vous en pratiquant. Que ce soit là un sentier dont vous ne vous écartiez jamais dans l’étude de la loi divine.
    Que votre exemple serve d’appui à vos discours. Ce que vous enseignez, faites-le et ce que vous faites, enseignez-le. En sorte que vos oeuvres ne soient pas en contradiction avec vos paroles, ni vos paroles avec vos actions. Bien plus, que les une et les autres marchent dans le plus grand accord.

Adieu
Théodulfe

Publié dans Conférences

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