« Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu  ! » Jn 20, 19-31

Publié le par Père Maurice Fourmond

Dimanche 19 avril 2020.

Évangile selon saint Jean 20, 19-31.

 

 

« Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu ». Cette béatitude de Jésus suite à la profession de foi de l’apôtre Thomas, à la fois nous apaise et nous interroge car nous sommes de ceux qui croient sans avoir vu. Si on me demandait : « mais toi, pourquoi crois-tu ? Je pense que je répondrais comme beaucoup de croyants : « Je crois parce que je fais l’expérience quotidienne que ma foi donne un sens plénier à ma vie ». La foi ne vient pas d’une claire vision de Dieu, mais d’une expérience vitale de bonheur intérieur et de sens pour la vie qui déborde donc la seule analyse scientifique, même si celle-ci est un élément important pour toute connaissance humaine.

 

D’ailleurs, ce qui est dit de la foi peut être dit de toute relation humaine importante : une relation profonde de personne à personne, dépasse ce que la seule analyse scientifique peut faire percevoir. C’est l’expérience de tous ceux qui aiment. Elle est une expérience vitale qui justifie qu’on fasse confiance à cette expérience malgré et avec les doutes qui s’y attachent toujours. Dans l’évangile que nous avons entendu, la réaction de Thomas est tout à fait légitime. Tant qu’il n’y a pas une relation profonde expérimentée, il manque toujours un élément essentiel pour dépasser la juste interrogation qui a été celle de Thomas.

 

Toutes les manifestations de Jésus après sa résurrection fonctionnent ainsi : c’est dans l’expérience d’une relation profonde que s’est opérée la reconnaissance du ressuscité. Pour Marie-Madeleine au tombeau, c’est au moment où une relation vitale s’établit que Marie-Madeleine va reconnaître Jésus. La lumière heureuse qu’apporte cette relation est presque toujours alimentée par une expérience de relations précédentes : c’est le prénom de Marie devant le tombeau, c’est le partage du pain pour les disciples d’Emmaüs, rappelez-vous ce que dit Luc « À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. » (Lc 24, 35), c’est la pêche miraculeuse sur le lac de Galilée. À chaque fois, la relation s’établit par la mémoire d’une rencontre précédente belle et heureuse qui va permettre aux disciples de reconnaître leur Seigneur Jésus vivant..

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, je voudrais réhabiliter Thomas qu’on désigne souvent comme l’incrédule. La réaction de Thomas est tout à fait légitime. Thomas avait le droit de s’interroger, il lui a fallu l’expérience d’une relation personnelle avec Jésus vivant pour dépasser sa juste interrogation.

 

Mais pour nous qu’est-ce qui éclaire notre foi, qu’est-ce qui précède notre adhésion ? Qu’est-ce qui éclaire notre esprit et notre coeur et nous permet de dire « je crois » ? Nous pouvons dire d’abord que c’est le témoignage de très nombreuses personnes dont la vie témoigne d’une relation vitale avec le ressuscité. Mais je pense que cela ne suffit pas. Il faut encore que chacun en fasse l’expérience personnelle, ce que j’ai essayé de dire pour moi au début de cette réflexion.

 

Mais nous savons tous que cette expérience personnelle s’accompagne de doutes qu’il faut dépasser par la confiance en la personne de Jésus ressuscité.

Car la confiance n’empêche nullement qu’il y ait du doute à l’intérieur de notre vie de foi. Est-ce que nous ne portons pas souvent dans nos coeurs l'interrogation des chrétiens de Corinthe, que Paul dut rassurer dans sa lettre, avec cette parole forte : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, vide aussi est votre foi » (1 Co 15, 14). Il nous arrive certainement que nous nous posons des questions : pourquoi je continue à croire, ma foi est-elle une belle vérité ou une illusion ? Si cela nous arrive, il ne faut pas en être bouleversés. Il faut nous rappeler que lorsqu’il s’agit de l’invisible qui est l’objet de notre foi, la certitude et le doute coexistent. Ces deux attitudes, celle de la certitude et celle du doute non seulement sont compatibles, mais profondément liées. Ces deux attitudes constituent la manière la plus cohérente et la plus digne de vivre pour ces personnes humaines que nous sommes. La certitude, sans le doute, risque de nous enfermer dans une perspective magique, et le doute sans la certitude risque de nous empêcher d’avancer sur notre route spirituelle.

 

D’autre part, nous n’avons que des représentations humaines, qu’un langage humain pour exprimer l’inexprimable. Les représentations de l’au-delà au Moyen Âge ou à la Renaissance que nous pouvons voir au fronton des cathédrales ou dans les peintures de l’époque, manifestent un grand décalage par rapport à ce que nous pouvons penser aujourd’hui. On pourrait dire que le doute oblige à affiner nos représentations de Dieu, mais aussi à approfondir cette relation essentielle pour notre vie, qu’est notre relation avec Dieu. Il est donc constitutif de notre vie de foi.

Confiance et doute sont inhérents à une démarche de foi. Nous sommes des chercheurs de Dieu même si nous vivons déjà une relation filiale essentielle. Celui qui ne cherche plus s’installe dans l’immobilité. Le doute oblige à poursuivre la quête de Dieu. Il est donc un élément constitutif de toute vie spirituelle.

 

En ce temps pascal, l’évangile de ce jour nous invite à vivre paisiblement la confiance que nous avons en Jésus vivant. La fin de notre évangile parle des signes qui aident à croire que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. » (Jn 20, 30-31). Chacun de nous a certainement beaucoup de petits signes qui nous sont offerts afin que notre foi reste confiante et paisible. Encore faut-il les percevoir. Les reconnaître suppose une certaine proximité de vie avec le Seigneur comme Pierre le dit chez le centurion Corneille : « Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. » (Ac 10, 41-42). Jésus s’est fait reconnaître à ceux qui avaient une certaine intimité avec lui. Les signes souvent très discrets de la présence de Dieu, nous permettent de le reconnaître et de nous construire, même si l’incompréhension et le doute parfois nous habitent.

 

Combien de fois prenons-nous pour nous-mêmes cette parole de Jacob après une nuit agitée par une promesse mystérieuse de Dieu : « Dieu était là et je ne le savais pas » (Gn 28, 16). Et Jacob poursuit : « Si Dieu est avec moi, s’il me garde sur le chemin où je marche, s’il me donne du pain pour manger et des vêtements pour me couvrir, et si je reviens sain et sauf à la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu. » (Gn 28 20-21).

Le Christ vivant est et sera toujours avec nous comme il l’a promis à ses amis : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 20)

Publié dans Evangile de Jean

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