Un père avait deux fils

Publié le par Père Maurice Fourmond

4è dimanche de Carême année C

Luc 15, 1-3.11-32

Le fils prodigue

 

Homélie

 

L’évangile selon saint Luc a été appelé l’évangile de la miséricorde en particulier en raison des trois paraboles du chapitre 15 : la parabole de la brebis perdue, de la pièce de monnaie égarée et du fils prodigue.


À juste titre, le père de la parabole du fils prodigue est sans doute la plus belle image de Dieu que Jésus nous a révélé. Curieusement nous avons eu et beaucoup ont encore la vision d’un Dieu comme un juge sévère ne laissant passer aucune dérogation à la loi. Nous avons parfois le même regard sur Dieu que le mauvais serviteur de l’évangile de Luc qui avait enfoui dans un linge la pièce d’or de son maître et qui disait au roi : «Seigneur, voici ta pièce d'or, je l'avais mise de côté dans un linge. En effet, j'avais peur de toi : tu es un homme exigeant, tu retires ce que tu n'as pas déposé, tu moissonnes ce que tu n'as pas semé.» Lc 19, 20-21.


Ce dieu qui fait peur, qui pèse les actes de chacun et condamne n’est pas le Dieu de Jésus Christ. Dans son entretien avec Nicodème Jésus affirme : «Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui» Jn 3, 17. Certes, il appartient à celui qui aime de rectifier les attitudes mauvaises de ses enfants, mais avec amour comme le fait le père de la parabole vis à vis du fils aîné : «'Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait bien festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !».


Certes, nous pouvons comprendre l’attitude des divers personnages de la parabole. On peut comprendre qu’ayant grandi, un enfant souhaite partir de la maison pour voler de ses propres ailes. On peur comprendre qu’un père, qu’une mère qui avaient sans cesse craints pour la vie de leur enfant parti au loin, soient heureux qu’il soit revenu vivant. On peut comprendre que le fils aîné considère comme une injustice l’attitude du père vis à vis de lui qui a été toujours fidèle.


Mais la parabole nous invite à aller plus loin. Elle nous invite d’abord à prendre conscience que nous sommes tantôt le fils qui réclame sa part d’héritage et gaspille cette vie reçue de Dieu et tantôt le fils aîné qui estime devoir recevoir de Dieu plus que ceux qui, apparemment, ont moins de mérites. Entre le disciple fidèle et le truand à droite de Jésus sur la croix, il nous semble que le premier devrait recevoir davantage que le second. La parabole des ouvriers de la dernière heure qui reçoivent le même salaire que les premiers nous laisse souvent un peu amers.


Or Dieu est ce père de la parabole qui n’a pas d’autre désir que le bien des enfants que nous sommes, laissant à chacun bien sûr sa liberté, mais dont le coeur est toujours ouvert pour accueillir celui qui se tourne vers lui. L’amour ne se mérite pas, il se donne et se reçoit. Le mérite n’est pas chrétien puisque le don que Dieu nous fait de lui-même est totalement gratuit. Nous ne méritons pas l’amour qui nous est offert pas plus que la vie divine qui est notre horizon.


Cette gratuité comporte plus d’exigence que si notre vie était de l’ordre du «donnant-donnant». S’il suffisait d’appliquer une règle pour en percevoir la récompense, alors nous quitterions le champ de la gratuité de l’amour. Notre relation avec Dieu ne se mesure pas en sorte que nous puissions en indiquer le terme : j’aimerai jusque là et inutile d’aller plus loin ! L’amour dont Dieu est la source ne calcule pas et le regard porté sur notre propre vie nous dit que nous n’avons jamais fini d’aimer en vérité.


Enfin l’attitude du père nous fait prendre conscience à la fois de nos manquements et à la fois de l’infinie tendresse de Dieu. Ce n’est pas devant la loi que nous prenons conscience de notre péché, mais devant l’amour gratuit de Dieu. Apercevant son fils, le père court vers lui, le prend dans ses bras, le couvre de baisers. Il ne l’accuse pas. Ce qu’il a fait lui importe peu puisque son enfant est là devant lui, vivant. Et le fils a à peine le temps de dire son péché qu’il est réintégré pleinement dans sa dignité de fils bien-aimé.


C’est pourquoi, après avoir médité cette parabole, nous ne pouvons qu’être dans l’action de grâce. Que l’eucharistie nous dise l’amour gratuit de Dieu et notre reconnaissance éblouie devant l’infinie tendresse de Dieu. 

Publié dans Homélies du dimanche

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