« L’espérance de Dieu nous accompagne »

Publié le par Père Maurice Fourmond

Retraite d'Avent chez les Spiritains 
samedi 2 décembre 2017 
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« L’espérance de Dieu nous accompagne »


    Nous avons essayé ce matin de réfléchir sur la nécessité de « sortir » si nous voulons être fidèles à la Parole de Dieu et remplir notre vocation de chrétien et de missionnaire. Je voudrais, pour rester dans le thème de la mission et aussi introduire au temps de l’Avent qui commence demain, montrer que « sortir », « partir » comporte un risque mais un risque porté par une espérance. Je voudrais aussi montrer à quel point annoncer l’évangile, c’est précisément annoncer l’espérance de Dieu pour notre humanité. Nous aurons ainsi trois parties dans notre réflexion : le risque de sortir de nos sécurités, puis quelle espérance peut nous soutenir dans cette prise de risque ; et enfin montrer que c’est précisément cette espérance qui est au coeur de l’annonce missionnaire.

1 - Sortir de nos sécurités comporte des risques
    Tout changement est un risque, tout choix est un risque. Certes, nous sommes dans un pays où l’assurance est devenue une obsession, on a besoin d’être assuré sur tout. C’est ainsi que l’on demandera à la société de prendre en charge les choix que nous faisons en sorte que la moindre défaillance soit compensée par l’assistance d’une compagnie d’assurance ou par l’État. Certes, les progrès techniques, les progrès de la médecine permettent de prendre des initiatives avec un risque moindre. Vous savez certainement que les premiers missionnaires spiritains partis au XIXème siècle sur la côte africaine sont presque tous morts dès la première année de maladies tropicales que l’on peut maintenant prévenir et soigner. Cependant la vie ne vaut la peine d’être vécue que si nous acceptons de prendre le risque d’une vie donnée.
    Ce matin nous avons parlé de ce Dieu qui a pris chair en Jésus de Nazareth. Or cette « sortie » divine était marqué par un risque immense. Dieu a pris le risque de pendre notre nature humaine en Jésus, risque de voir sa proposition de partage de vie refusée par beaucoup de gens, risque qui l’a opposé aux chefs religieux de son peuple et conduit a une mort tragique et injuste. On ne mesure pas assez le risque que Dieu a pris dans son amour infini pour l’humanité en prenant notre condition fragile.
    D’ailleurs la vie de Jésus a été une vie risquée. Les évangiles le montrent à tout moment. Déjà les récits de l’enfance chez Luc et Matthieu ont voulu exprimer dans le genre littéraire qui leur est propre les graves difficultés que la famille de Jésus a du subir comme à travers les récits du massacre des enfants de Bethléem ou la fuite en Égypte de Joseph, Marie et l’enfant pour échapper à la fureur d’Hérode le grand. Au cours des deux ou trois ans de sa vie publique, Jésus n’a cessé de prendre des risques. Un risque lorsque, dans la synagogue de Nazareth, après avoir lu un passage du livre d’Isaïe, il a affirmé que la parole du prophète s’accomplissait aujourd’hui. « À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas » (Lc 4, 28-29). Bien sûr le risque de transgresser la Loi du sabbat pour guérir des malades, le risque d’avoir des paroles difficiles à comprendre avec comme conséquence le départ de nombreux disciples comme après son discours sur le pain de vie : « Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 60…68). Jésus a pris beaucoup de risques en choisissant d’aller en Judée où sa vie était mise à prix. Ainsi lorsqu’il prit la route vers Béthanie alors que son ami Lazare est mort, ses disciples lui rappellent que sa vie était en danger : « Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » (Jn 11, 7-8). Plus tard Jésus se rendra à Jérusalem pour la Pâque tout en sachant que les chefs des prêtres avaient décidés de le faire mourir : « Lorsque Jésus eut terminé tout ce discours, il s’adressa à ses disciples : « Vous savez que la Pâque a lieu dans deux jours, et que le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié. » Alors les grands prêtres et les anciens du peuple se réunirent dans le palais du grand prêtre, qui s’appelait Caïphe ; ils tinrent conseil pour arrêter Jésus par ruse et le faire mourir » (Mt 26, 1-4).
    Les risques que Jésus a pris pour être fidèle à sa mission, vont toucher également ses disciples : le disciple n’est pas au dessus de son maître. Et si nous voulons être les disciples de Jésus, il nous faut, comme lui, prendre des risques pour l’annonce de l’évangile. Ce fut le cas d’Étienne, lapidé pour avoir confessé sa foi en Jésus ressuscité, la cas de Paul qui décrit toutes les difficultés qu’il a dû endurer jusqu’à sa mort à Rome. Les chrétiens, des premiers siècles ont pris le risque du martyr. Toutefois, de même que Jésus était habité par l’Esprit de lumière et de force, de même les disciples de Jésus sont habités par l’Esprit Saint qui nous permet de sortir et de prendre des risques en gardant une invincible espérance. Mais qu’est-ce que l’espérance et sur quoi se fonde notre espérance de chrétiens et de missionnaires ?

2 - Espoir humain et espérance chrétienne
    Commençons par bien distinguer l’espoir humain et l’espérance du chrétien. Ces deux termes sont très différents, même si le même verbe « espérer » est utilisé à propos de ces deux termes. Pourtant, dans le langage courant on emploie souvent les deux mots « espoir » et « espérance » indifféremment. Cependant, dans un regard de foi nous employons le mot espérance dans un sens très différent du langage habituel.
    L’espoir est une hypothèse heureuse, plus ou moins probable, mais je ne suis pas maître de sa réalisation car celle-ci dépend d’une quantité de paramètres qui m’échappent pour la plupart. Pour donner l’exemple de quelqu’un qui doit passer un examen ; il peut dire : j’espère réussir cet examen ; j’ai un bon espoir car j’ai bien travaillé pour cela et jusqu’ici les résultats sont satisfaisants. Toutefois il y a d’autres paramètres qui ne dépendent pas de moi comme ma forme physique au jour de l’examen, le choix des sujets imposés et si c’est un concours la présence de candidats meilleurs que moi, etc. Il y a de sérieuses probabilités que je sois reçu mais le résultat n’est pas certain. Si cela arrive, tant mieux mais le contraire peut advenir, et dans ce cas, je suis « déçu ». La satisfaction comme la déception peuvent arriver. L’espoir quant à la réalisation de son objet relève d’un calcul des probabilités.
    L’espérance chrétienne est d’un tout autre ordre. Elle n’est pas l’attente hypothétique d’un résultat, mais une certitude car cette espérance-là ne concerne pas la réalisation d’un projet, mais elle concerne une personne, quelqu’un dont la présence aimante est pour moi une certitude que rien ne peut entamer. Je suis certain dans la foi que Dieu est présent dans ma vie et que cette présence m’accompagnera quelles que soient les circonstances heureuses ou douloureuses qui m’atteindront. Quand il s’agit de la présence aimante de Dieu lui-même, on peut tenir debout quelles que soient les circonstances favorables ou pénibles de la vie.

3 - L’espérance de Dieu
    Notre espérance de croyants vient de ce que Dieu le premier espère en nous. Cette espérance de Dieu pour l’humanité s’exprime pleinement dans le mystère de l’Incarnation. C’est parce que Dieu espère en l’homme qu’il a pris le risque de prendre notre condition humaine fragile. La vie de Jésus de Nazareth est l’expression parfaite de l’espérance de Dieu pour l’homme. Nous croyons que Dieu en Jésus a pris notre condition humaine avec toutes ses limites comme le dit l’épître aux Hébreux : « En effet, nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché » (He 4, 15). Jésus a connu les limites du temps et de l’espace, les limites d’un environnement particulier ; il a connu les contradictions et finalement une mort ignominieuse. C’est dans cette condition humaine difficile que Dieu a voulu vivre afin de nous communiquer l’espérance indéfectible qu’il avait en nous, l’espérance que notre vie d’hommes et de femmes peut réussir malgré toutes les difficultés rencontrées. Ne pas confondre la réussite selon Dieu et la réussite humaine. On peut vivre ce paradoxe : vivre l’échec humain et pourtant réussir ma vie. C’est l’exemple de Jésus dont on peut dire que sa vie a été humainement un échec et pourtant que sa vie a été pleinement réussie, pas seulement dans sa résurrection, mais dans l’accord permanent de sa vie à son Père. 
    Cette espérance de Dieu pour moi s’exprime par sa présence aimante, fidèle et forte à chaque instant de ma vie. Cette espérance de Dieu en l’homme nous assure de notre véritable réussite, de notre accomplissement, accomplissement qui est en marche tout au long de notre vie et qui sera parfait dans notre résurrection définitive. Le jour de notre mort sera le jour où s’accomplira pleinement l’espérance que Dieu a vis-à-vis de chacun de nous. 

4 - La fidélité de Dieu
    Notre espérance en Dieu se fonde sur la fidélité de Dieu. Nous l’avons chanté maintes fois « Tu es le Dieu fidèle éternellement » (O. Vercruysse D 163). Dans notre foi, nous sommes sûrs de la fidélité de Dieu, car elle s’est manifestée tout au long de l’histoire humaine et de multiples façons. Déjà en donnant à l’univers d’exister, c’est le sens profond de la création : Dieu soutient l’univers de toute la force vitale de cet amour qu’il est lui-même. La création n’est autre en effet que cette création permanente de Dieu donnant et soutenant la vie de tout ce qui existe. Devant cet univers qui poursuit sa course dans l’espace le livre de la Genèse nous dit : « Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait ; et voici : cela était très bon » (Gn 1, 31). Cette bonté n’est-elle pas le signe et de l’espérance de Dieu et de sa fidélité.?
    Mais la fidélité de Dieu s’est particulièrement exprimée à travers l’Alliance qu’il a voulu conclure avec le petit peuple d’Israël, signe d’une alliance universelle que Dieu souhaitait construire avec l’humanité entière. Tout les livres de l’ancien Testament ne cessent de montrer la fidélité de Dieu en contraste avec les multiples infidélités du peuple élu. Cela est exprimé à travers les paroles des prophètes comme aussi dans plusieurs psaumes par exemple dans le psaume 138 (137) : « Le Seigneur fera tout pour moi. Seigneur ta fidélité est pour toujours ! » (v.8), ou le début du psaume 88 (89) « L'amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Je le dis : C'est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux ». Cette fidélité de Dieu s’est pleinement exprimée dans son Incarnation. Dieu s’est voulu fidèle à l’homme qu’il avait créé à son image en prenant cette humanité afin de l’inscrire pour toujours dans sa divinité et nous en montrer le chemin.
    Cette fidélité de Dieu s’exprime à travers sa relation aimante avec nous, dans un partage de vie et d’amour, par son pardon permanent devant nos infidélités et par sa parole qui nous ouvre sans cesse un avenir. Et la fidélité de Dieu ira jusqu’au bout dans la mort et la résurrection de son Fils bien-aimé Jésus, prémices de notre mort et de notre propre résurrection.

5 - « Je serai avec toi »
    Parce que Dieu est fidèle, nous pouvons nous appuyer sur une espérance indéfectible. Notre espérance de chrétien n’est pas la réalisation des attentes que chacun exprime à Dieu, car nous sommes souvent, blessés et déçus lorsqu’à une prière sincère ne suit pas la réalisation attendue. L’espérance chrétienne ne promet pas que les choses vont s’arranger, elle n’est pas à côté de la vie ou pour une vie après la mort ; elle est pour l’aujourd’hui de la vie, au coeur de la détresse et de la souffrance humaine, au coeur d’une déception humaine très compréhensible. C’est pourquoi l’espérance chrétienne n’est pas cet optimisme qui attend une amélioration de la vie concrète, l’optimisme est un fruit de l’espérance, car celle-ci nous dit que, quoiqu’il arrive, nous pouvons grandir dans l’amour.  C’est ce que nous dit Adrien Candiard dans son petit livre « Veilleur, où en est la nuit » Voici cette belle phrase qui nous fait réfléchir : « Quand le monde qui nous entoure nous fait peur, l’espérance chrétienne ne nous dit pas de rester là à pleurnicher parce que tout va mal, ni de sourire bêtement parce que tout irait bien ; elle ne nous invite pas à attendre que Dieu détruise ce monde-là pour en construire un autre ; elle nous pose une question très simple : comment faire de tout cela une occasion d’aimer davantage ? C’est la question que nous devrions nous poser devant toutes les nouvelles, les bonnes comme les mauvaises, celles du journal télévisé comme celles du téléphone personnel. Comment puis-je en faire une occasion d’aimer ? » (p. 78). Le chrétien est optimiste dans ce sens là.
    L’espérance chrétienne c’est la certitude, confirmée par l’expérience, que Dieu n’abandonne jamais ses amis. Il est là au coeur même de nos limites, de nos insuffisances, de nos déceptions pour nous réconforter, pour nous montrer un avenir où il nous est possible de grandir en amour et donc de nous accorder à Dieu et de réaliser qui nous sommes en vérité.
    Tous les grands personnages de la Bible ont eu conscience de leur fragilité et de leurs limites. Devant un appel de Dieu, un projet audacieux, risqué, difficile, nos ancêtres dans la foi avaient conscience que seuls ils ne pourraient pas réaliser ce que Dieu attendait d’eux. C’est alors que, d’une manière ou d’une autre, Dieu les assurait de sa présence efficace. Revient sans cesse dans toute la Révélation cette promesse : « Je serai avec toi ». En voici de très nombreux témoignages :
    Quand Isaac avait quitté la terre promise à cause de la famine, il est écrit : « Le Seigneur lui apparut et dit : « Ne descends pas en Égypte, mais demeure dans le pays que je t’indiquerai ; séjourne dans ce pays ; je serai avec toi et je te bénirai » (Gn 26, 2). À Jacob, Dieu promet : « Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur cette terre ; car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que je t’ai dit » (Gn 28, 15). À Moïse au buisson ardent, Dieu dit : « Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse dit à Dieu : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? » Dieu lui répondit : « Je suis avec toi » (Ex 3, 10-12). Au temps de Juges, Dieu confie une mission à Gédéon alors que Gédéon n’a pas confiance en ses capacités : « L’ange du Seigneur lui apparut et lui dit : « Le Seigneur est avec toi, vaillant guerrier ! ... Avec la force qui est en toi, va sauver Israël du pouvoir de Madiane. N’est-ce pas moi qui t’envoie ? » Gédéon reprit : « Pardon, mon Seigneur ! Comment sauverais-je Israël ? Mon clan est le plus faible dans la tribu de Manassé, et moi je suis le plus petit dans la maison de mon père ! » Le Seigneur lui répondit : « Je serai avec toi, et tu battras les Madianites comme s’ils n’étaient qu’un seul homme. » (Jg 6, 12-16).
    Mais c’est particulièrement à ses prophètes que Dieu fait la promesse d’être toujours avec eux, sans les assurer pour autant que tout se passera comme ils le souhaiteraient. C’est dans le livre d’Isaïe que l’on a la plus belle définition de l’espérance selon Dieu : « Tu ne le sais donc pas, tu ne l’as pas entendu ? Le Seigneur est le Dieu éternel, il crée jusqu’aux extrémités de la terre, il ne se fatigue pas, ne se lasse pas. Son intelligence est insondable. Il rend des forces à l’homme fatigué, il augmente la vigueur de celui qui est faible. Les garçons se fatiguent, se lassent, et les jeunes gens ne cessent de trébucher, mais ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles ; ils déploient comme des ailes d’aigles, ils courent sans se lasser, ils marchent sans se fatiguer » (Is 40, 28-31). Ainsi l’espérance dont nous parle Isaïe porte non pas sur un Dieu qui modifie les événements, mais sur un Dieu qui donne des forces nouvelles permettant à celui qui met son espérance en Dieu « de courir sans se lasser et de marcher sans se fatiguer ».
    L’histoire de Jérémie est particulièrement exemplaire. Rien ne réussit à Jérémie, il doit annoncer à ses compatriotes qu’ils ne seront pas vainqueurs dans leur lutte contre les envahisseurs babyloniens. Accusé de défaitisme, Jérémie est jeté dans une citerne et s’enfonce dans la boue. Jérémie n’a aucun espoir, ni pour son peuple ni pour lui. Toutefois il est soutenu par une promesse, une promesse que Dieu lui a faite dès le début de sa vocation : « La parole du Seigneur me fut adressée : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. » Et je dis : « Ah ! Seigneur mon Dieu ! Vois donc : je ne sais pas parler, je suis un enfant ! » Le Seigneur reprit : « Ne dis pas : “Je suis un enfant !” Tu iras vers tous ceux à qui je t’enverrai ; tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras. Ne les crains pas, car je suis avec toi pour te délivrer – oracle du Seigneur » (Jr 1, 4-8).

    La Parole de Dieu « Je serai avec toi » a accompagné Jésus tout au long de sa vie. Nous avons dit tout à l’heure que la vie de Jésus a été une vie risquée. Mais dans ce risque, Dieu ne l’a jamais abandonné. Tout ce qu’a fait Jésus, il ne l’a fait que parce que Dieu était avec lui comme le confirme l’apôtre Pierre chez le centurion Corneille : « Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui » (Ac 10, 38). Cette espérance de Jésus est exprimée jusqu’avant son arrestation dans sa douloureuse prière au jardin de Gethsémani ; il commence par exprimer sa détresse « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi », mais sa prière s’achève en confiance « Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux » (Mt 26, 39). Même si dans sa détresse humaine, Jésus sur la croix a dit « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46), il mourra dans un cri de confiance « Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira » (Lc 23, 46).
    Cette présence de Dieu dans la vie des hommes se poursuit avec la présence du Christ Jésus, tête de ce grand corps que sont tous, ses amis croyants ou non. C’est la promesse de Jésus avant de les quitter visiblement : « “Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” (Mt 28, 20).

6 - “Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” (Mt 28, 20).
    Cette parole de Jésus est claire. Jésus affirme à ses amis que même après sa mort, il demeure avec nous jusqu’à la fin du monde. Il l’avait dit déjà pour réconforter ses amis au moment où il leur annonce son départ. Au début du chapitre 14 en saint Jean, Jésus parle à ses disciples : “Que votre coeur ne se trouble pas : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi”. Et un peu plus loin il confirme : “Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous” (Jn 14, 18-20). 
    Jésus nous a affirmé sa présence chaque fois que ses disciples se retrouvent : “Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux” (Mt 18, 2). Cette présence de Jésus comme un frère n’est plus dans le domaine du sensible. Cette assurance de la foi n’a pas de preuves évidentes, mais la présence du vivant se manifeste par la transformation qu’elle opère chez ceux qui se tournent vers ce Seigneur. L’efficacité de la présence du Christ ressuscité est particulièrement signifiée dans le récit des disciples d’Emmaüs. Cette présence a modifié totalement l’attitude et la vie de Cléopas et de son compagnon. L’écoute de la Parole a rempli leur coeur : “Notre coeur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures” (Lc 24, 32). N’avons-nous pas parfois les mêmes sentiments lors d’une méditation de la Parole de Dieu. Les disciples d’Emmaüs ont été profondément transformés par la présence mystérieuse du Christ Vivant : leur tristesse se change en joie, leur peur laisse la place au courage : “À l’instant même ils repartent et retournèrent à Jérusalem” (Lc 24, 33).

7 - Forts de la présence de Dieu, nous pouvons « sortir », « avancer » avec confiance.
    « Je serai avec toi » est une promesse de Dieu faite à chacun de nous. C’est à chacun de nous que Le Christ promet d’être avec nous tous les jours. Cette promesse est notre plus belle et notre plus solide espérance. Nous avons sans doute à certains moments de notre vie, expérimenté l’efficacité de la présence de Dieu, non pas pour modifier les événements mais comme il est dit des prophètes Isaïe, Jérémie ou Élie, pour nous donner des forces quand nous sommes fatigués, pour nous donner de la lumière quand nous sommes dans l’obscurité. Nous pouvons souvent, en relisant tel ou tel moment de notre vie, redire la parole de Jacob au lendemain d’un songe où Dieu lui avait redit la promesse d’une terre et d’une descendance nombreuse : « Dieu était là et je ne le savais pas » (Gn 28, 16). En effet cette présence efficace de Dieu est très discrète au point qu’il faut beaucoup attention et faire jouer sa mémoire pour en prendre conscience.
    C’est dans la confiance en ce Dieu qui ne m’abandonne pas, qui est toujours avec moi que je vais reprendre la route et avancer sans crainte vers mon avenir apparemment incertain. La confiance est un élément constitutif de l’espoir. La confiance est sans doute l’attitude la plus humaine et la plus divine qui soit. La plus divine, car le premier Dieu me fait confiance. Dieu croit en moi bien plus profondément que je ne peux croire en lui. En se faisant homme, Dieu a montré une confiance extraordinaire en l’homme. Dans toutes ses rencontres sur les routes de Galilée ou de Judée, Jésus n’a cessé de faire confiance que ce soit dans le choix de ses apôtres, appelant aussi bien Pierre que Judas, confiance vis à vis des publicains et des pécheurs comme Zachée : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » (Lc 19, 5) , ou devant la femme adultère : «Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11), et même vis à vis de Judas qu’il appelle son ami au moment de l’arrestation : «  Mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le ! » (Mt 26, 50).
    La confiance est aussi la démarche fondamentale de toute vie humaine. Sans confiance la vie humaine est impossible. Sans confiance aucune relation aimante ne peut exister. Seule la confiance va permettre de durer dans une relation aimante ; seule la confiance ouvre l’avenir.
    La confiance nous situe dans une paix intérieure profonde. Seule la personne qui est dans la confiance trouve la paix ; la méfiance introduit un conflit intérieur qui déstabilise. La confiance n’a rien à voir avec l’optimisme, c’est à la fois une décision de notre liberté et un abandon à ce Dieu que nous aimons.
    La confiance apporte la joie. C’est bien ce qui est exprimé dans le grand récit de cette manifestation de Jésus ressuscité aux apôtres quand Thomas se trouve présent ; Jésus affirme : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». C’est ce bonheur qui est offert à celui qui sait faire confiance. Nous pensons parfois que les apôtres avaient de la chance de voir avec leurs yeux le Seigneur Jésus ; je pense le contraire car c’est finalement ce qu’ils n’ont pas vu de leurs yeux de chair qui les a transformés ; ils avaient vu Jésus de leurs yeux de chair et ils l’avaient abandonné au jardin de Gethsémani, mais quand ils ne l’ont vu qu’avec les yeux du coeur, dans la confiance, ils ont cru en l’avenir et ils ont été jusqu’à donner leur vie pour Jésus. 

 

Publié dans Conférences

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